Ils n’ont pas besoin de s’en aller !
Les foules quittent les villes, le lieu de leurs maisons, de leurs sécurités, de leurs habitudes ; ils les quittent à pied, sans rien emporter, pour suivre Jésus qui s'est retiré dans un lieu désert après la mort de Jean le Baptiste.
Et là, deux manques se rencontrent : celui de Jésus qui s'est fait pauvre pour rejoindre l'humanité, et celui des humains, fragiles, écartelés entre leur désir et le réel. Jésus est saisi de compassion devant ce manque, il guérit sans compter… Il laisse parler son cœur. Avant de voir un problème, ou des limites, Jésus voit des visages, il croise des regards. Il remarque les traits tirés de ceux qui ont marché longtemps, de ceux qui viennent lui présenter leurs infirmités, et de tous ceux qui attendent une parole de consolation, d'espérance, de vérité… Seul son manque peut apaiser leur manque.
Quel contraste avec la demande, on ne peut plus raisonnable et insensible des disciples : « renvoie donc la foule … qu'ils aillent s'acheter de la nourriture… ». Crispés sur leur manque, ils ne peuvent rejoindre celui de leurs frères humains.
Et la réponse de Jésus ne se fait pas attendre : « ils n'ont pas besoin de s'en aller … donnez-leur vous-mêmes à manger » Les disciples, à qui nous ressemblons tellement, ont-ils oublié que Dieu nourrit son peuple au désert ? Ne voient-ils pas que les foules se nourrissent de la parole de Jésus ? N'ont-ils donc pas encore compris qu'ils ne soulageront le manque de leurs frères, qu'à partir de leur propre manque assumé ?