Troisième et Quatrième Parole
« Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : Femme, voici ton fils. Il dit ensuite au disciple : Voici ta mère » (Jean 19,26s) - « Et à trois heures, Jésus cria d’une voix forte : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Marc 15,34)
Troisième parole du Christ en croix
« Voyant ainsi sa mère et près d'elle le disciple qu'il aimait, Jésus dit à sa mère :
Femme, voici ton fils. Il dit ensuite au disciple : Voici ta mère » (Jean 19,26s)
Troisième sonate – « Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix » de Joseph HAYDN (Concert de Jordi SAVALL)
Face à la croix de Jésus, se tiennent debout la mère et le frère. « Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Matthieu 18).
La mère et le frère, deux premiers fils pour que se tisse la communion de vie, au lieu même du reniement et de la trahison.
Par ces paroles : « Voici ton fils… Voici ta mère », Jésus les lie l'un à l'autre pour le pèlerinage de l'ici-bas et jusque dans le toujours de l'éternité. Un lien si fort, une donation réciproque telle, que rien ne pourra la défaire.
La nuit de la peur, de l'indifférence et de l'isolement, le sentiment de ne plus compter pour personne ou de n'être attendu nulle part, se déchirent pour laisser entrer dans le cœur l'espérance, la bienveillance, la mutuelle sollicitude.
Jésus mène jusqu'à son terme son combat contre l'exclusion. Dans ce don où la mère et le frère s'envisagent, nous voici donnés les uns aux autres pour vivre en communion de disciples, de visage à visage. Si, du moins, nous consentons à accueillir Jésus qui, lui-même, se donne jusqu'à l'extrême de l'amour. Si nous consentons à l'accueillir tel qu'il se donne, en Croix. Notre lien mutuel, dans la communion de l'Eglise, sera toujours crucifié.
Cette communauté se révèle sans frontières : comme Jésus, Verbe sorti de Dieu et tourné vers Lui, notre regard, notre écoute, nos demandes, nos liens s'orientent vers le Père qui rassemble en Jésus, par lui, les enfants de Dieu dispersés par tout l'univers.
Recevons, nous aussi, cette double donation :
« Voici ton fils… Voici ta mère ».
Quatrième parole du Christ en croix
« Et à trois heures, Jésus cria d'une voix forte :
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Marc 15,34)
Quatrième sonate – « Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix » de Joseph HAYDN (Concert de Jordi SAVALL)
« Voici venue l'Heure où le Fils de l'homme est glorifié ». Heure de désolation et d'abandon. Heure de déréliction et de mépris où le Vivant meurt de la mort des impies, pendu au gibet entre deux malfaiteurs. « Il a été mis au rang des pécheurs ».
Jésus choisit librement de devenir cet homme interrompu : voici le Fils dépossédé de son héritage, banni de la communion de son peuple, privé de parole dans l'Alliance ; il ne lui reste que son cri. « Jésus, de condition divine, ne retint pas comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu. Mais il se dépouilla lui-même… » Il est « vidé » de Dieu, coupé de sa racine, en exil de son identité, devenu moins que rien, jeté dans les bas-fonds d'une humanité en désespérance. Jésus révèle ainsi sa pleine appartenance à notre chair fragile, vulnérable et parfois brisée.
Son cri rejoint celui de tous les innocents assassinés : « Où donc est Dieu » ? Cette question habite tout homme, toute femme, écrasé par la violence absurde, la souffrance subie, l'indifférence meurtrière. Nous entendons, au centre de ce Psaume 22, prié par Jésus en Croix : « Tu me mènes à la poussière de la mort ». Au cri de Jésus, nulle manifestation d'en-haut, pas de réponse.
« Où est-il, ton Dieu » ? Sans doute là où nous ne le cherchions pas : ni dans les hauteurs, ni dans l'éclat du tonnerre ou la violence de la tempête. Mais là, au centre même de notre cri d'abandon, là où nous l'appelons encore, signe ténu d'une confiance qui ne rend pas les armes. « C'est lorsque Dieu se dérobe qu'il se fait proche » (Christian Duquoc). Au creux de l'abandon, Jésus parle encore à son Père, par ce cri tout pétri d'angoisse.
Jésus croit jusque dans la nuit. Et sa foi confiante en Celui qui est son origine et sa fin va déchirer le rideau du Temple et le faire entrer dans le Saint des saints de l'abandon. La foi de Jésus envers le Père est acte inconditionnel de remise à un Autre. Remise libre et inconditionnelle de soi à un Autre. Pas n'importe quel autre, mais au Créateur, Maître de la vie et de la mort, qui fait alliance avec nous, les humains.
Remettons-nous à cet Autre, au temps de la joie, aux jours d'épreuve et jusque dans la mort qui nous démet de nous-mêmes. Car il est fidèle et sans repentance dans son Alliance, signe de l'amour jusqu'à l'extrême que le Père porte, en Jésus, à notre humanité.
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? »