Huitième Rencontre Biblique 2021-2022
Comment lire et recevoir aujourd’hui les Miracles et les Guérisons
Luc 8,22-56
Nous poursuivons notre enquête sur Jésus de Nazareth et notre quête de Jésus Christ en abordant maintenant la vie publique de Jésus, à travers ses faits et gestes, les rencontres vécues… Qui est Jésus de Nazareth ? A qui pouvons-nous le comparer ? Quel est le style de Jésus, sa singularité, sa façon unique de vivre sa mission ?
Jésus guérisseur
La foi marque toute le chapitre 8. Celle-ci n’est plus de discours, mais de faits. Les deux disciples d’Emmaüs ont signalé en une formule ramassée les deux faces inséparables de l’activité de Jésus, quand ils diront qu’il fut « puissant en action et en parole » (24,19). Dans la séquence du chapitre 8, à l’enseignement par les paroles, succède l’enseignement par les actions. Cela commence par le récit de « La tempête apaisée » (22-26), suivi par celui de « La libération du possédé de Gérasa » (27-39). Dans ces deux passages, ce sont des hommes qui sont sauvés. Dans le second versant de la séquence au contraire, en deux récits enchâssés l’un dans l’autre, ce sont deux femmes qui sont libérées de la maladie et de la mort, la fille de Jaïre (40-42 et 49-56) et l’hémorragique (43-48) ; toutes deux pourraient ainsi retrouver l’accès à la fécondité et à la maternité. Cette longue séquence met donc en parallèle hommes et femmes.
Tempête sur le lac
8,22. Et un jour, Jésus monte en barque avec ses disciples. Il leur dit : « Passons sur l'autre rive du lac. » Ils gagnent le large. 23. Tandis qu'ils naviguent, Jésus s'endort. Alors un tourbillon de vent tombe sur le lac. La barque se remplit et ils sont en danger. 24. Ils s'approchent et le réveillent. Ils lui disent : « Maître ! Maître ! Nous périssons ! » Il se réveille. Il menace le vent et le fracas de l'eau. Ils s'apaisent, et c'est le calme. 25. Il leur dit : « Où est votre foi ? » Ils frémissent de crainte, s'émerveillent et se disent l'un à l'autre : « Qui est donc celui-là ? Oui, il commande même aux vents et aux flots ; et ils écoutent sa voix (obéissent) ! »
Au début du chapitre, avec la Parabole de la semence, les disciples avaient cru. Mais quand survient la tempête, ils flanchent. Jésus leur dit : « Où est votre foi ? ». La semence tombant sur les différents terrains peut-elle éclairer le comportement des disciples lors de la tempête ? Les vents et la mer « écoutent » la voix de Jésus. Le contraste est frappant entre la conduite des disciples et celle des éléments.
Guérisons en pays juif
8,40 A son retour, Jésus fut accueilli par la foule, car ils étaient tous à l’attendre. 41 Et voici qu’arriva un homme du nom de Jaïros ; il était chef de la synagogue. Tombant aux pieds de Jésus, il le suppliait de venir dans sa maison, 42 parce qu’il avait une fille unique, d’environ douze ans, qui était mourante. Pendant que Jésus s’y rendait, les gens le serraient à l’étouffer. 43 Il y avait là une femme qui souffrait d’hémorragie depuis douze ans ; elle avait dépensé tout son avoir en médecins, et aucun n’avait pu la guérir. 44 Elle s’approcha par-derrière, toucha la frange de son vêtement et, à l’instant même, son hémorragie s’arrêta. 45 Jésus demanda : « Qui est celui qui m’a touché ? » Comme tous s’en défendaient, Pierre dit : « Maître, ce sont les gens qui te serrent et te pressent. » 46 Mais Jésus dit : « Quelqu’un m’a touché ; j’ai bien senti qu’une force était sortie de moi. » 47 Voyant qu’elle n’avait pu passer inaperçue, la femme vint en tremblant se jeter à ses pieds ; elle raconta devant tout le peuple pour quel motif elle l’avait touché, et comment elle avait été guérie à l’instant même. 48 Alors il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix. » 49 Il parlait encore quand arriva de chez le chef de synagogue quelqu’un qui dit : « Ta fille est morte. N’ennuie plus le maître. » 50 Mais Jésus, qui avait entendu, dit à Jaïros : « Sois sans crainte ; crois seulement, et elle sera sauvée. » 51 A son arrivée à la maison, il ne laissa entrer avec lui que Pierre, Jean et Jacques, avec le père et la mère de l’enfant. 52 Tous pleuraient et se lamentaient sur elle. Jésus dit : « Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte, elle dort. » 53 Et ils se moquaient de lui, car ils savaient qu’elle était morte. 54 Mais lui, prenant sa main, l’appela : « Mon enfant, réveille-toi. » 55 Son esprit revint, et elle se leva à l’instant même. Et il enjoignit de lui donner à manger. 56 Ses parents furent bouleversés ; et il leur ordonna de ne dire à personne ce qui était arrivé.
Le contraste est encore plus marqué entre le manque de foi des disciples pris dans la tempête et la femme atteinte par l’épreuve de ces hémorragies dont elle souffre depuis douze ans, sans que personne n’ait pu l’en guérir. Pour elle, le temps de l’épreuve a duré bien plus longtemps que pour les disciples dans la tempête. Et pourtant, elle n’a pas perdu la foi.
Quand Jaïre, le chef de la synagogue vient demander à Jésus d’entrer dans sa maison, parce que sa fille unique se mourait (41-42), chacun voit dans sa démarche qu’il est poussé par sa foi en la puissance de Jésus. Lui aussi a prié avec son corps : avant de se prosterner devant le Seigneur, il est « venu » vers lui. Comme les disciples et les femmes, il s’est mis en chemin.
Après l’intermède de la femme hémorragique, on vient annoncer à Jaïre que sa fille est morte et qu’il ne doit plus déranger le Maitre (49) ; et c’est alors qu’apparait le verbe «croire». « Jésus ayant entendu, lui a répondu : « Ne crains pas, crois seulement et elle sera sauvée » (50). Effectivement, le chef de la synagogue, sans rien dire, comme la femme hémorragique, continue de marcher avec Jésus, de l’accompagner, comme les disciples et les femmes du début de la séquence, jusqu’à sa maison.
Exorcisme en pays païen
8,26 Ils abordèrent au pays des Gergéséniens qui est en face de la Galilée. 27 Comme il descendait à terre, vint à sa rencontre un homme de la ville qui avait des démons. Depuis longtemps il ne portait plus de vêtement et ne demeurait pas dans une maison, mais dans les tombeaux. 28 A la vue de Jésus, il se jeta à ses pieds en poussant des cris et dit d’une voix forte : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en prie, ne me tourmente pas. » 29 Jésus ordonnait en effet à l’esprit impur de sortir de cet homme. Car bien des fois il s’était emparé de lui ; on le liait, pour le garder, avec des chaînes et des entraves ; mais il brisait ses liens et il était poussé par le démon vers les lieux déserts. 30 Jésus l’interrogea : « Quel est ton nom ? » — « Légion », répondit-il, car de nombreux démons étaient entrés en lui. 31 Et ils le suppliaient de ne pas leur ordonner de s’en aller dans l’abîme. 32 Or il y avait là un troupeau considérable de porcs en train de paître dans la montagne. Les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans ces porcs. Il le leur permit. 33 Les démons sortirent de l’homme, ils entrèrent dans les porcs, et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans le lac et s’y noya. 34 A la vue de ce qui était arrivé, les gardiens prirent la fuite et rapportèrent la chose dans la ville et dans les hameaux. 35 Les gens s’en vinrent pour voir ce qui s’était passé. Ils arrivèrent auprès de Jésus et trouvèrent, assis à ses pieds, l’homme dont les démons étaient sortis, qui était vêtu et dans son bon sens, et ils furent saisis de crainte. 36 Ceux qui avaient vu leur rapportèrent comment celui qui était démoniaque avait été sauvé. 37 Alors, toute la population de la région des Gergéséniens demanda à Jésus de s’éloigner d’eux, car ils étaient en proie à une grande crainte ; et lui monta en barque et s’en retourna. 38 L’homme dont les démons étaient sortis le sollicitait ; il demandait à être avec lui. Mais Jésus le renvoya en disant : 39 « Retourne dans ta maison et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi. » Et l’homme s’en alla, proclamant par toute la ville tout ce que Jésus avait fait pour lui.
Nous sommes passés directement de la tempête apaisée à l’histoire des deux femmes, faisant l’impasse sur celle du possédé de Gérasa. Dans ce long récit, le substantif « foi » n’est pas plus utilisé que le verbe « croire ». Est-ce que la réalité de la foi en serait absente ? On ne peut pas dire que les démons ont la foi : même s’ils obéissent à Jésus, c’est qu’ils y sont contraints ; ou la foi est, par essence, une adhésion libre. Par ailleurs, même s’il est vrai qu’ils savent qui est Jésus, puisqu’ils l’appellent « Fils du Dieu très-haut », cela n’exprime pas la foi, car ayant réduit l’homme à l’état animal entrés en lui pour le parasiter, ils s’opposent à la Volonté de Dieu. C’est qu’eux-mêmes sont des bêtes, qui devront entrer dans les animaux impurs que sont les porcs. Et alors que les disciples sont sauvés de la mer, ils y sont précipités. Où est-il donc question de foi dans ce passage ?